Pierre Andricq, nous livre son avis sur « Le temps était muet » de Ginès Diaz paru aux Éditions Lacour.
« Inspiré d’une histoire vraie, le Temps était muet s’ouvre en Allemagne à Francfort-sur-Main, en 2006, dans l’ancien quartier des artistes. Au deuxième étage d’un immeuble de style Guillaume 1ᵉʳ, une vieille femme solitaire – Sarah Kefferstein – dessine… Un postier la dérange un instant et lui livre une lettre et deux carnets de croquis aux couleurs écarlates… A la réception de cet étrange colis, un pan de sa jeunesse ressurgit brusquement de la mémoire de Sarah ; dominé par l’image de sa meilleure amie : Lisa.
Sarah et Lisa se rencontrèrent à l’école au début des années trente alors qu’elles avaient seize ans. Leur passion dévorante pour le dessin et la peinture les rapprocha et les amena à suivre ensemble les cours de l’école des Beaux-Arts. Sur les conseils de leur professeur, elles prirent l’habitude de croquer sur le vif le spectacle des rues qu’elles se mirent à parcourir : celui de la misère s’abattant sur les classes populaires allemandes ; puis celui de la dérive totalitaire de leur pays que la République de Weimar ne sut endiguer…
Horrifiées, elles assistèrent toutes deux à la montée irrépressible du national-socialisme ponctuée par la publication de Mein Kampf, les exactions des chemises brunes, les éructations d’un führer pris de démence, les persécutions des Juifs, puis le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale…
Sur cette toile de fond apocalyptique, Lisa s’attela à la production d’une œuvre onirique et moderne mais dont l’anticonformisme dérangea le nouveau régime au pouvoir… Elle rêva alors de voyages et d’horizons exotiques, ceux de la Polynésie d’un Paul Gauguin ou d’un Emil Nolde… Hélas, ses rêves laissèrent place aux cauchemars lorsque Sarah – dont les origines juives furent identifiées – se fit rafler par la Gestapo un matin de l’année 1942 ; puis, lorsque Rainer – le jeune homme dont elle s’était éprise – perdit la vie sur le front russe, aux commandes de son Stuka…
Meurtrie par ces disparitions, Lisa trouva cependant la force de ne pas sombrer. Elle décida de dépasser son ressentiment et de résister à la dévastation. Elle s’exila à Paris avant de rejoindre la partie libre du sud de la France.
Le 25 mai 1943, elle arriva dans le maquis cévenol, aux alentours d’Alès, où elle trouva une nouvelle raison de vivre, et crut trouver le berceau de sa seconde vie…
Ginès DIAZ – ingénieur aéronautique vivant à Salindres, en terre cévenole – réussit avec ce Temps était muet un récit captivant et émouvant. Vibrant hommage rendu à une femme résistante admirable et courageuse, son mérite est aussi d’exhumer cette époque douloureuse et troublée en mêlant les talents du romancier et la rigueur de l’historien ».
Pierre Andricq, Directeur départemental de la lecture publique.